Mémoire de cendre et de poussière

« Le jour est gris. La nuit est grise.
Gris, cette couleur obsédante a envahi la terre telle une pieuvre sournoise étirant ses tentacules vaporeux, depuis le sol où même la couleur vermeille du sang des combattants a été recouverte d’une couche de cendre, depuis le ciel où l’azure d’un printemps oublié est maintenant masqué par un voile de poussière.
Bienvenue dans le monde, tel que je le connais… »

Un craquement sourd retentit, ébranlant la frêle charpente de l’abri. Je déposai aussitôt mon modeste stylo noir avant de refermer mon calepin. Sur la couverture, écrit en lettres dorées qu’un œil attentif pouvait tout juste discerné dans la pénombre ambiante, était inscrit « Journal de Bord ». Je caressai distraitement sa reliure bourgogne. Du livre émanait une odeur de neuf. Normal; il sortait tout juste de la papeterie Gall&Gaïlen, où je me l’étais procuré juste avant mon départ pour le camp.
Car il ne fallait pas se faire d’illusions, la secousse ne pouvait être qu’un bombardier de plus lâchant sa cargaison mortelle sur le refuge souterrain où nous étions rassemblés, les autres soldats des forces cybériennes et moi. Parmi nous, quelques volontaires, mais la plupart avait été enrôlés de force par le gouvernement. L’homme avait beau évoluer, la guerre resterait toujours aussi sale.

***

« …Oh, bien sûr, il n’en a pas toujours été ainsi, il fut une époque où les cieux étaient limpides et où la douce saison amenait le concert de chants d’oiseaux fabuleux, la nature déployant sa splendeur.
Mais toutes ses merveilles ne sont plus, et elles ne vivent que dans la voix des anciens racontant le paradis d’avant. Que dans la foi de certains espérant que revienne le printemps… »

Aujourd’hui a eu lieu le premier affrontement. Le monde arabe a lancé un débarquement de ses troupes en Ontario, tout près de notre camp. Une chance, les français ont eu le temps de couler quelques navires si bien qu’ils ne furent qu’une centaine à mettre pied en Amérique.
Car la terre est divisée. Certains déjà parlent de troisième guerre mondiale, et avec raison. Plus question de terroristes, le monde arabe s’est allié avec le reste de l’Asie et les plus riches d’Afrique pour faire face aux « chiens de blancs ». Une guerre stupide somme toute. L’Australie et la Suisse sont les deux pays encore neutre mais plus pour longtemps. Les gens se terrent chez eux et les enfants scrutent le ciel gris dans la crainte d’un avion de guerre.

***

« … Souvenez-vous Hiroshima, souvenez-vous de la Shoah, souvenez-vous du débarquement…
Souvenez-vous d’Hitler, Staline, Mussolini et tant d’autres,
Souvenez-vous…afin de ne pas reproduire nos erreurs. »

Je dois m’arrêter d’écrire, mes mains tremblent. D’ailleurs, autour de moi tout tremble. Pas juste les gens, les meubles de motre abri miteux aussi. Maintenant il n’y a plus de doute, c’est fait. Partout dans le refuge, on peut lire sur les visages peur, horreur et tristesse. Car nous sommes condamnés. La bombe nucléaire a du être larguée sur les États-Unis. À la frontière du canada, le camp K dans lequel nous logeons n’est pas à l’abri des radiations dégagées. Je la sens autour de nous, la terre proteste contre ces abominations.


***

« …Si au moins alors que je sais ma fin proche, si au moins je pouvais quitter cette terre en sachant que mon sacrifice servira à éclairer la voie de nos descendants. Peut être que l’homme est condamné par une obscure malédiction à refaire chaque fois les mêmes erreurs, à revivre chaque fois le même supplice. »

C’est la fin, mon crayon n’a plus d’encre, seule survivante aux épidémies qui suivirent l’explosion. Maintenant je le sais, je suis le dernier humain sur terre. Je n’ai plus la force de continuer, ma respiration se fait pénible. Je jetai mon stylo inutile et portai un regard étain sur mon journal, ma mémoire. Tout se qui reste de l’humanité, sa fin, consignée dans un cahier de bord. Comment elle s’est détruite. Lui jadis si frai, maintenant maculé de sang et de boue. Mon seul ami. Je fermai les yeux en souriant. Lui au moins expliquera se que je n’aurai pu faire. Lui au moins témoignera.
Lentement…très lentement je senti mon cœur ralentir. Ce n’est finalement pas si horrible que de mourir…juste le noir…le calme…la paix…enfin…

« Nous avons scellés de notre avidité le sceau du destin.
Et cette fois-ci, il n’aura pas de suite.

OoT

O_o
*falls in the apples and n'en revient pas*

Xd c'était un coup d'inspi sur le sujet d'une troisième guerre mondiale...

en effet, c'était un GROS "coup"