Journal de bord de l'apocalypse

Premier Mai 2103

J'ai faim. J'ai soif aussi. Et j'ai froid. Je jète un coup d'oeil autour de moi et m'aperçoit que le cas est plus grave que je ne le pensais... Un paysage desertique et noir de cendres, les immeubles recouverts d'une épaisse couche de sable, les voitures renversées sur la chaussée par les gigantesques vagues d'il y a une heure qui ont transformé les rues en véritables marécages. Des corps inertes jonchant les rues et plus un bruit. Le silence total. Un ciel de feu qui atteste du passage du météore dans notre atmosphère et une gigantesque crevasse dans le béton qui montre qu'elle n'était pas petite... Je me lève avec quelques difficultés et je boite jusqu'à un gros tas de cendres d'un noir de jais.Je cherche des yeux celle qui m'a permit de tenir jusqu'ici... Mais où est-elle...

Je me laisse tomber à côté du tas de cendres et je commence à creuser fébrilement de mes mains meurtries de coups. Depuis longtemps je refuse de croire à l'apocalypse mais là il faut dire qu'on a tout fait pour me prouver le contraire... Depuis un certain temps des catastrophes ne cessent de s'abattre sur la Terre et je ne sais même pas si un autre humain a survécu au météore d'il y a une semaine. Je continue à chercher Soah des yeux mais ne la trouve pas. Ma soeur, ma grande soeur, mon modèle, mon espoir parmi le noir, mon bout de tunnel... Aurait-elle disparu à son tour ? Non, c'est impossible, pas elle, pas Soah... Je continue à chercher dans le tas de sable noir et sursaute lorsque ma main touche un morceau de peau. Je commence à paniquer et déblaye les cendres de plus en plus vite. J'ai peur. J'ai peur de ce que je vais découvrir... Soulagement. Si on peut dire. Ce n'est pas Soah, c'est une jeune fille d'une vingtaine d'années, qui lui ressemble étrangement, d'ailleurs... Quelques larmes coulent sur mes joues sales et tracent des sillons sur la noirceur de mon visage. Je n'y porte même plus attention. Combien de fois ai-je pleuré en si peu de temps ? Combien de fois ai-je vu des gens mourir alors que j'échappais de justesse à la mort ? Je me relève et parcours le paysage apocalyptique d'un regard neutre. Désabusé. Las. Combien de choses sont arrivées en un an sur cette pauvre Terre ? Deux météores, quatre raz-de-marrée, des typhons par centaine, des secheresses sur certains continents alors que d'autres se retrouvent ensevelis sous les eaux... Un silence pesant s'installe après mes quelques pas en direction d'un ancien supermarché, à présent sous le sable... Je suis sur le point de m'évanouir, je le sens, je le sais. Je ne vivrais pas longtemps, et cela ne m'étonnerai pas que les autres survivants, si autres survivants il y a, ne subissent le même sort. Plus de nourriture, plus d'eau, une secheresse insoutenable dans l'émisphère sud et des villes sous l'eau dans l'émisphère nord.. Les seules terres restantes sont les terres à plusieurs milliers de kilomètres à l'interieur des terres...Malheureusement, la France bordée par des océans et mers, elle est quasiment recouverte d'eau... J'entre dans le supermarché et la porte, pendant sur un gond, émet un grincement horrible avant de daigner s'ouvrir. Je parcours les rayonnages à la recherche d'un peu de nourriture mais cela fait bien longtemps qu'ils sont vides...

2 Mai 2103

Tombé. Je suis tombé du troisième étage d'un immeuble dont le plancher n'a pas tenu mon poids. Et toujours pas de traces de Soah... De toutes façons je n'ai plus la force de bouger. Je sais qu'au moindre mouvement je me briserai un os ou je retomberai cinq secondes après... Alors je ferme les yeux. J'attend, et je garde l'espoir de revoir Soah..

3 Mai 2103

La faim me tiraille le ventre alors que la soif me crispe les lèvres. Je ne vais plus tenir bien longtemps. Soah je t'en prie, dis-moi que tu n'es pas morte... Je sens que le souffle me manque et les seules bouffées d'air que je peux prendre, du rez-de-chaussée de cet immeuble qui ne tardera à tomber, sont emplies de sable à tel point que je ne cesse de tousser. Des pas se font entendre, puis plus rien. La porte, qui jusqu'à présent pendait sur ses gonds, s'ouvre sur une silhouette squelettique. Je ne dis rien mais le regard que je lève sur elle signifie tout. Elle s'approche de moi et se laisse glisser le long du mur. Ses habits en lambeaux ne m'étonnent même plus puisque je porte les mêmes et son visage noirci, crevassé et crispé par la douleur au ventre ressemble tellement au mien que j'ai l'impression de me regarder dans un miroir qui m'aurait transformé en fille.. Mais je n'ai pas vu de miroir depuis longtemps... Elle se penche doucement vers moi et me soulève vers elle. D'où trouve-t'elle autant de force après un jeûn de presque une semaine ? Elle me serre dans ses bras et je parviens à ouvrir la bouche que la soif m'empêchait jusqu'à présent d'ouvrir...

"-On restera toujours ensemble, hein, Soah...

-Promi..."

Ce furent les dernières paroles que j'entendis d'elle. Elle est morte dans les cinq minutes qui suivirent, mais elle est morte dans mes bras. J'ai pleuré longtemps mais je suis tellement habitué que je n'y fais même plus attention. Je suis toujours allongé dans un coin du magasin entre un ancien panneau qui indiquait le rayon des produits frais et une étagère vide. Je balaye à nouveau le paysage des yeux, par la fenêtre, et repose la tête contre le mur. Mais qu'a-t'on fait à la Terre ? Je pense que je n'en saurais sûrement rien je sens la vie me quitter et je ne sais d'où je trouve la force d'ecrire, je sais q...