Silence, je te hais. Tu es mortel. Mais c’est encore le silence dans la maison et … j’agonise. Mes parents sont dans des pièces différentes, affairés. Ma mère travaille, mon père aussi. Moi, je meurs. Comme d’habitude en fait. A côté de moi, le Christ n’a qu’à bien se tenir. Je suis morte plus de cent fois et pourtant je suis toujours là. Mal en point mais je demeure ici. Ça fait plus de trois heures que le silence a installé son empire dans mon appartement et il est très sadique avec moi. Il dure, fait passer les minutes à une lenteur inhumaine et me nargue. Il fait craquer la télé dans le salon comme si on avait marché sur une brindille dans une forêt noire et silencieuse et murmure à mon oreille qu’il ne cessera jamais. Je finis par croire qu’il dit vrai. Tout ça est vrai. Jamais il n’a été aussi long et aussi vicieux au point de me faire souffrir. Assise sur le canapé du salon, j’écoute avec lassitude le bruit des touches du clavier de ma mère et les clics nerveux de mon père sur la souris. Ça en est de trop ! Je file à tout allure dans ma chambre et m’assieds à mon bureau. La tête dans les mains, je chantonne. Que faire d’autre ? Mais je n’ai pas une voix pour chantonner. J’aime que l’on chante bien et si je murmure la chanson, je monte dans les aiguës et c’est horrible. Je chante donc plus fort. Même pas une minute plus tard, courte cette fois-ci parce que musicale, ma mère entra, la mine en colère et me demande de me la fermer. Ni plus ni moins. Je réplique, on se dispute puis elle part en claquant la porte. Comme d’habitude en fait. Ma vie est en réalité forgée d’habitude. Un long hangar vide et silencieux. Mais je ne suis pas comme ça, moi. Je suis quelqu’un qui vit, qui passerait le plus clair de son temps à danser et à chanter. J’ai longtemps voulu demander à ma mère une chambre capitonnée et insonorisée puis je me suis dit qu’elle allait se poser des questions. Si au moins en fermant la porte de mon « univers », je pouvais avoir des kilomètres qui me sépareraient de cet enfer d’inexistence, je serai profondément heureuse. Mais non. Je n’ai que quelques misérables centimètres …
Je jette un regard vers mon horloge. Oh mon Dieu ! Quatre heures que je suis là-dedans. Là, j’ai besoin de soutien et d’urgence. Je fouille frénétiquement dans mon cartable à la recherche de mon fidèle compagnon de désespoir. Ma main remue au fond du sac afin de le trouver. Enfin ! Mon lecteur MP3. Je te tiens mon ami. Fais moi grâce de mon unique réconfort. Ecouteurs dans les oreilles, bouton ON sur lequel j’appuie avec désespoir et … enfin ! De la musique, des cris que seule moi peux entendre. Mais j’aimerais tant chanter, hurler en même temps que la guitare électrique. Pourquoi suis-je née ici ? Dans ce monde de mort et d’agonie permanente ? Dites moi … Des larmes coulent le long de mes joues alors je murmure tout doucement les paroles des chansons qui me délivrent enfin. J’ai la gorge nouée par les pleurs mais je revis. Je préfère pleurer un peu, ça me soulage. C’est une façon de retenir les cris aussi. Je sors un cahier où des tags de mots en anglais sont écris dans tous les sens, au milieu de textes bien révolutionnaires et tristes. Armée de mon critérium, je commence à écrire. A toute vitesse. Aussi vite que si c’étaient des hurlements. Même si en fait, ça l’est. Quelqu’un a dit : Ecrire, c’est hurler en silence. Quoi de plus vrai ? Alors, ouais, j’écris à la vitesse de la musique qui crie dans mes oreilles, aussi vite que les mots que j’aimerai dire à mes parents mais qui ne peuvent pas sortir. Genre « mais bougez-vous enfin ! On a qu’une vie ! », mais ça sort pas. Et ça ne veut pas sortir du tout. Cependant je comprends. Naître pour mourir l’instant d’après pour être suivis de ces compagnons ou du silence ne doit pas être la meilleure existence qu’il soit. C’est pourtant celle des mots. Et je les plains et les comprends. Ils ne veulent pas mourir aussi vite. Même s’ils ne sont pas nés.
Deux heures après, claquement de porte. Bonne nouvelle. Ils sont allés faire les courses. C’est parfait. Je peux enfin vivre. J’ouvre la porte de ma chambre, coupe la musique dans mes oreilles et je commence à chanter. D’une voix aiguë et mais très harmonieuse. Je ne m’aime pas mais s’il y a une seule chose dont je suis fière, c’est bien ma voix. Je chante, je hurle, je vis. Je danse quelque fois, je souhaite une présence auprès de moi. Où est celui qui sera capable de me faire danser et de me faire vivre ? Qui aimerait m’entendre chanter, qui sera capable de savoir si je vais bien ou pas bien juste en m’écoutant murmurer quelques chansons. Où est-il et qui est-il ? Pour l’instant, je crois qu’il m’attend quelque part, lecteur MP3 dan les oreilles, au milieu d’une maison silencieuse et j’espère lui transmettre toute ma joie d’être enfin seule. Mais presque trop seule sans lui … Lui que je ne connais pas mais que j’espère … C’est tout.
VAAAAAAAAAAAAAAAAALAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA ... ^^
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